Facteurs de risques psychosociaux dans le contexte de l’audit

Facteurs de risques psychosociaux dans le contexte de l’audit

Le manque de sensibilisation aux risques psychosociaux dans le cadre des audits est indéniable. Bien que les entreprises considèrent désormais ces risques comme faisant partie de leurs obligations, les organismes d’accréditation accordent peu d’attention à ce sujet.

Á ce jour, il n’existe pas de méthode pour traiter les risques psychosociaux dans le cadre de l’audit, bien que certains pays exigent une évaluation interne en santé et sécurité qui inclut une évaluation psychosociale.

Cet article explore les risques liés à la santé et à la sécurité au travail, tels qu’ils sont perçus dans le monde de l’entreprise et de l’audit, et présente deux types de risques psychosociaux:

  • Les risques psychosociaux rationnels, dont les questions sont inclues dans l’audit ISO 45001 de gestion santé & sécurité, parce qu’elles sont mesurables et traçables.
  • Les risques psychosociaux émotionnels, également appelés problèmes pernicieux, ne sont pas mesurables et peu contrôlés.

Qu'est-ce qu'un facteur de risque psychosocial ?

Les risques psychosociaux sont définis comme « l’analyse de la gestion des contextes sociaux et organisationnels au sein de l’entreprise, où peuvent avoir lieu des dommages physiques, sociaux ou psychologiques » 1.

Les risques psychosociaux varient selon qu’ils sont rationnels ou émotionnels, entraînant des conséquences différentes pour les employés et leurs employeurs. L’analyse des risques est incluse dans la section santé et sécurité au travail (ou SST) du rapport d’audit. C’est là que sont évalués les risques psychosociaux rationnels. Cependant, il est reconnu que les normes SST fournissent peu d’indications sur la manière d’évaluer les risques psychosociaux dans le cadre de l’entreprise.

1 Cox, T.; Griffiths A. & Rial-González E. 2000. Research on work-related stress. European Agency for safety and health at work.

Comprendre l’existence de risques psychosociaux

L’approche traditionnelle d’audit inclut le contrôle des risques liés à la SST afin qu’ils soient mesurables (Power, 1996). Cependant, les risques psychosociaux ne sont ni linéaires ni rigoureux ; ils sont plutôt subjectifs et imprévisibles, ce qui les rend impossibles à vérifier dans le cadre traditionnel d’un audit.

En raison des difficultés rencontrées dans l’analyse des risques psychosociaux, il est nécessaire de développer une méthodologie vérifiable et capable de prendre en compte le côté imprévisible des risques psychosociaux.

Quels sont les risques psychosociaux ?

1. Les risques psychosociaux rationnels

Les indicateurs de risques SST permettent la mise en place et le suivi des risques psychosociaux au sein d’un établissement. La norme OHSAS 18001 a fourni aux entreprises des indicateurs psychosociaux à l’interne, pouvant ainsi faire ressortir les forces et les faiblesses. D’ailleurs, certains pays, telle que la France, exigent que les entreprises fassent une évaluation régulière de leurs risques SST.

Les indicateurs rationnels de SST évaluent la sécurité des employés à un moment ‘T’ et fournissent ainsi des informations qui ont la particularité de pouvoir être transformées en actions.

Ces risques sont généralement mesurables et permettent d’évaluer les structures à mettre en place au sein d’un plan de prévention. Cependant, tous les indicateurs SST ne sont pas mesurables : certains facteurs de risques psychosociaux sont subjectifs et nécessitent d’autres outils pour être évalués, compris et suivis.

Commençons par décrire les risques psychosociaux rationnels.

2. Comment mesurer les risques psychosociaux rationnels?

Trois options sont proposées pour évaluer les risques psychosociaux rationnels dans le contexte de l’entreprise, utilisées individuellement ou combinées.

i) L’audit ISO 45001 a remplacé définitivement la norme OSHAS 18001 le 1er avril 2021.

Il s’agit d’un audit tierce partie qui a lieu lorsqu’une entreprise engage un organisme de certification pour effectuer l’audit de ses installations en vue de la certification. La norme ISO 45001 inclut des questions telles que la gestion de la santé et de la sécurité ; les politiques et observations relatives aux risques de sécurité ; la gestion des risques professionnels ; la fréquence des réunions de sécurité, etc. Cependant, les risques psychosociaux ne sont que brièvement mentionnés dans la norme et il reste à savoir si les audits actuellement en pratique couvrent suffisamment ces risques.

ii) La norme anglaise publique appelée PAS 1010 concerne les risques psychosociaux et a été publiée en 2011, le fruit d’une collaboration entre la British Standards Institution (BSI), l’Institute of Work Health and Organizations (I-WHO) et l’Université de Nottingham, GB. Cette norme est librement accessible sur internet. À l’époque, l’objectif de ce document offrait des remèdes aux lacunes de la norme OHSAS 18.001, car il était clair que le stress lié au travail n’était pas défini ni abordé lors des audits SST.

Les risques psychosociaux suivants inclus sont : la violence morale et physique, le harcèlement psychologique, les brimades, le stress lié au travail. Ce sont des risques difficiles à évaluer et nécessitent souvent plus d’attention et souvent un entretien individuel. La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail mène régulièrement des enquêtes dans les 26 pays de l’union européenne pour évaluer les politiques liées au travail.

iii) Les entretiens individuels ou collectifs avec les employés ainsi que les questionnaires anonymes sont de précieuses sources d’information interne.

Ces trois méthodes d’évaluation des risques aident l’équipe SST à trouver les solutions appropriées aux problèmes traçables et mesurables.

3. Les risques psychosociaux émotionnels

Contrairement aux risques rationnels de la SST, les risques émotionnels sont principalement déterminés par la façon dont les personnes perçoivent les risques auxquels elles sont exposées. Cette perception est subjective car elle affecte les gens différemment. Les problèmes liés au stress peuvent causer de la détresse chez une personne alors qu’une autre n’en souffrira pas. Cependant, contrairement aux risques SST rationnels, les risques émotionnels sont souvent imperceptibles et plus difficiles à évaluer car ils ne sont pas nécessairement mesurables.

Bien que leur apparition affecte la performance des employés, il n’est pas toujours facile d’en trouver la cause qui explique l’apparition de l’insatisfaction au travail.

Au fil du temps, ces risques psychosociaux difficiles à cerner ont été appelés des problèmes pernicieux en raison de la difficulté à trouver des preuves et des solutions pour les résoudre. Le problème complexe bien connu et qui affecte les générations professionnelles actuelles est le « syndrome d’épuisement professionnel », out ‘burn-out’, qui résulte d’une combinaison de défaillances physiques et psychologiques menant à l’épuisement et affectant les travailleurs dans toutes les industries de la majorité des pays.

4. Qu'est-ce qu'un problème pernicieux ?

Le problème pernicieux est défini par deux chercheurs australiens comme « un problème sociétal marqué par des relations de cause à effet difficiles à cerner, ainsi que par la complexité, l’incertitude et l’ambiguïté du processus de résolution de ces problèmes ». Par conséquent, pour faciliter l’approche aux situations graves, les auteurs ont établi une liste de dix caractéristiques qui définissent ces fameux problèmes émotionnels :

1. Il n’existe pas de définition du problème pernicieux.
2. Ce problème ne s’arrête pas seul et on n’a toujours de solution.

3. Les solutions ne sont pas vraies ou fausses, mais plutôt bonnes ou mauvaises. 
4. Il n’y a pas de test immédiat qui aide à résoudre un problème pernicieux.
5. Toute solution (ou tentative de solution) à un problème de ce genre devient un défi. Les résultats ne sont pas mesurables et la solution ne découle pas forcément de l’expérience.
6. Ce problème est difficile à cerner et la solution miracle n’existe pas.
7. Chaque problème est unique. 
8. Chaque problème peut devenir le symptôme d’un autre problème. 
9. Chaque problème peut avoir plusieurs explications.
10. Celui qui est responsable de ce problème n’a pas droit à l’erreur avec une tolérance zéro pour l’échec.

Les caractéristiques de ce risque montrent la complexité des comportements émotionnels. Il n’existe pas d’indicateurs permettant de comprendre les difficultés liées à la gestion des risques psychosociaux émotionnels. Par conséquent, la recherche de solutions pour y remédier est loin d’être terminée.

5. Comment mesurer les risques psychosociaux émotionnels

Bien que ce domaine soit difficile à évaluer sans éléments mesurables, voici trois approches pour gérer les risques psychosociaux émotionnels au sein d’une entreprise :

  1. Dans leur étude empirique, trois auteurs suggèrent de procéder à une évaluation interne des risques psychosociaux émotionnels pour évaluer les besoins. Cela se fait généralement par le biais d’entretiens individuels ou de questionnaires anonymes à tous les membres du personnel, pour respecter la confidentialité des employés. L’évaluation des effectifs fournit des éléments qui peuvent être intégrés dans le processus de gestion des risques de l’entreprise. 
  2. La thèse de doctorat d’une chercheuse danoise offre une analyse approfondie de la gestion des risques psychosociaux. Elle suggère que les compétences de l’auditeur sont l’élément central pour traiter des questions aussi délicates au sein de l’organisme audité.
  3. Dans mon article sur l’intelligence émotionnelle, je suggère que le contrôle des risques émotionnels lors d’un audit peut uniquement se faire avec une conscience de soi. L’intelligence émotionnelle est une compétence et peut être apprise et mesurée ; il appartient donc aux organismes de certification de former leurs auditeurs aux connaissances nécessaires pour être à même de distinguer et traiter les risques psychosociaux émotionnels au cours d’un audit.

Les risques psychosociaux émotionnels sont considérés comme complexes, avec des effets multi-causaux qui vont au-delà des mesures de santé et de sécurité mis en place dans le milieu corporatif. La difficulté réside dans le processus d’évaluation utilisé et qui ne tient pas compte de problèmes complexes « caractérisés par des relations de cause à effet difficilement explicables, menant à des solutions incertaines ».

L’évaluation des risques psychosociaux rationnels et émotionnels, et leurs conséquences sur le personnel employé, ne peut être résolue objectivement par une seule approche technique.

L’évaluation des risques psychosociaux émotionnels doit aller au-delà des résultats mesurables proposés par la norme d’audit pour comprendre les facteurs de stress psychosociaux. Cela nécessite des entretiens individuels avec les employés pour évaluer les lacunes dans leurs capacités à gérer des contextes de travail psychosociaux complexes. Une fois que l’auditeur dispose des compétences nécessaires pour comprendre les risques psychosociaux rationnels et émotionnels d’une entreprise, une évaluation psychosociale complète peut être efficacement réalisée.

L’un des défis à relever pour atteindre cet objectif est de mettre en pratique les principes d’audit. Des suggestions seront présentées dans les prochains articles publiés dans le blog d’IMAGO.AUDITING.

Merci!

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